Paranthèse gourmande

Publié le par ROBERT MARTIN

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Je regardais l'horizon par dessus et au delà de tout. Le rire et les cris joyeux des baigneurs mettaient des mots à la mélodie rythmée et lancinante de l'orchestre d'eau dont chacune des vagues était l'instrument. Le soleil pour projecteur, cette scène de vie rivalisait avec la perfection d'un plaisir sans nom. Je n'étais pas venu seul et les coeurs qui m'accompagnaient réunifiaient le mien qui alors emplissait mon corps.

Je ne sais si un entracte à ce spectacle divin fut annoncé mais mon palais reconnut au loin et, de ses yeux, la forme délicate et annoncée d'une douceur sucrée. Pas de caramels, d'esquimaux ou quelconque chocolat, le jeune vendeur qui s'approchait de moi proposait ses yoyos luisants de miel. Et d'huile... Un délice. Des beignets aussi dorés que la peau de celui qui les proposaient.

Dscn4647_3Je me délectais d'abord de la scène simple et chaleureuse qui s'offrait à moi. Les enfants qui accourent mouillés d'eau à la bouche. Le sable qui crisse sous leurs pas pressés et les éclaboussures sur les bronzeurs allongés et oisifs.

Derrière sa bicyclette qu'il pousse à bout de bras, le jeune vendeur a le sourire éclatant, accueillant. Un vrai modèle de publicité pour ces beignets qui m'invitent à m'approcher de lui. Deux cents millimes pour qu'une huile sucrée me coule dans la gorge jusqu'à mon estomac, qui comme chacun de mes sens, est en éveil. Pour moi, deux beignets, ces yoyos qui résistent on ne sait comment à la chaleur d'un soleil affamé, enfermés dans leur cage de verre mobile, et qui sont le délices des petits et des grands - Dans ces instants-là, je ne sais d'ailleurs pas dans quel cas je me trouve et peu importe, je suis moi -

Deux mots échangés, un sourire au charme franc et assuré sur ce visage arrosé de soleil, et le jeune homme repart pour une invite, une provocation aux délices des sens et des papilles estivales. Mes yeux éblouis par cet éventail de soleils se plissent pour régler la netteté de l'image et mes dents mordent sans pitié comme une vengence dans le premier yoyo. La mélodie de la mer à nouveau comme une autre douceur envahie mes oreilles. Le vendeur et son sourire se sont noyés dans les vagues d'autres corps gourmands, mouillés ou allanguis. Je froisse le papier gras de mon second beignet délicieusement englouti. Les vagues ont effacé l'emprunte du passage de la bicyclette.

Le mirage de cet instant sirupeux a-t-il réellement existé ou me suis-je assoupi dans le rêve trop fort d'un rayon de soleil ?

Dscn4644_2Je regarde l'horizon par dessus et au delà de tout. Le rire joyeux des baigneurs mettent toujours leurs mots à la disposition de l'orchestre salé comme une valse hypnoptique qui m'aurait soulevé l'instant de cette paranthèse gourmande.

Comme sorti d'un songe doux, la réalité étend sa serviette à mes côtés pour me narguer, et me rappelle que si le sable colle à mes doigts c'est que mes mains sont grasses et sucrées. Alors je me jète à corps perdu dans la fosse de l'orchestre liquide, divague et deviens alors minuscule choriste du spectacle unique de la Vie.

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La Vie que je remercie de ces douceurs suaves et impalpables, de ces instants éphémères et fragiles qui, lorsqu'on les autorisent, nous pénêtent pour qu'ils durent, s'installent et deviennent éternels.

Parce qu'un beignet n'est pas qu'un beignet, parce qu'un sourire n'est pas qu'un sourire, parce que les deux vont ensemble et qu'ils me lient, sous un pretexte gourmand, à cet instant, sur une plage de Vie innondée de grandeur qu'il suffit de reconnaître. Et parce qu'une vague n'est pas qu'une vague et que la mélodie de la mer dans cette alchimie magique où je m'autorise à me noyer porte un nom : le Bonheur.

Dscn4643Photos : P'tit Bob

Pour tout cela, je regarderais encore et encore l'horizon par dessus et au delà de tout.

Pour d'autres beignets qui n'en seront peut-être pas.

Où que je sois. 

 

Publié dans Ma vie... quelque part

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M
Alors là mon ROBERT si tu me prends par les sentiments! des beignets! que tu décrits bien tout cela, je connais ton COEUR pur et naif! ceci est un compliment! parce que je suis un peu comme toi! mais lorsque je lis ta prose je vogue vers des horizons lointains où se mêle, ma mer, le soleil, les vagues, le sable, les beignets..<br /> QUELLE DOUCE MUSIQUE !<br /> Gros bisous et HAUTS LES COEURS<br />
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V
Si les beignets de ce vendeur sont aussi délicieux que son sourire, alors je comprends...<br /> Ton texte est magnifique, les photos aussi, en les lisant, le soleil, le sable, la mer, la musique des vagues se concrétisent pour nous transporter dans tes parenthèses gourmandes.<br /> Merci de nous en offrir...<br />
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