Amour d'enfant
Je suis né après lui. Je suis né loin de lui. Il marchait ailleurs, j'ouvrais les yeux ici.
Il avait sa vie, j'attendais la mienne. Il y a eu deux terres. Il y a eu la mer. Et deux chemins. Le sien, le mien.
Je ne le savais pas mais je le ressentais. Sans savoir qui, où, quand et comment, je savais que je prendrais un jour cet enfant par la main. Pour qu'il soit le paysage de ma vie sur lequel mes yeux s'ouvriraient enfin. Pour que je sois, enfin.
Il a fait le chemin. Il a franchi la mer. J'ai erré sur le mien sans être entier.
Et il y eu nos pieds. Nos pieds qui ont marchaient enfin sur un même chemin.
Et il y eu nos mains. Nos mains qui se sont embrassées.
Et il y eu nos yeux. Nos yeux qui se sont enlassés.
J'ai reconnu l'enfant. J'ai aimé cet enfant.
J'étais plus enfant que lui mais nos âges se sont unis. Comme se sont unies nos vies.
Comme se sont unis nos corps et nos coeurs en un cri universel.
Et le temps est passé. Et le temps est resté.
Et nos pieds ont tatoué de vie nos chemins réunis. Et nos pas résonnent encore à l'unisson dans notre coeur. Dans le sien, dans le mien qui ne sont qu'un.
Et nos mains ne se sont jamais lâchées. Et chacune a dix doigts pour carresser le corps de notre vie qui frémit chaque jour, et le protège des affres du temps qui passent comme un bouclier de velours.
Et nos yeux. Les siens ont la couleur de la terre-mère et les miens celle de la mer qui nous séparait, qu'il a traversait. Tous les éléments sont alors réunis dans le vent de notre souffle et le feu de notre amour.
Alors oui, le temps est passé. Comme une fierté de chaque jour. Comme une enclume légère qur laquelle on forcerait du verre.
Il y a vingt huit années que la vie a accouché de nous. Il y a vingt huit années que j'ai bercé cet enfant. Cet enfant qui est mon amour et qui me berce aussi.
Je suis né après lui. Je suis né loin de lui.
Il a fait le chemin, il est venu me retrouver et m'a pris par la main.
Depuis ce jour, nous sommes ensemble un enfant unique. Ensemble depuis ce jour, nous sommes l'enfant de la Vie, l'enfant de l'Amour.
Adultes, nous tenons la mains de l'enfant qui est dans chacun de nous. Enfants, nous tendons la main vers le viellard que nous deviendrons. Ensemble.
Mais aujourd"hui, nous avons vingt-huit ans.
Et cet enfant là, je l'aime.
Cet enfant là est ma vie.
Cet enfant là est l'Amour.
Cet enfant est ma raison de vivre.
Cet enfant est l'artiste qui peint mon bonheur aux couleurs du quotidien. Qui peint mon quotidien aux couleurs du bonheur.
A toi, petit enfant : je t'aime. Et je te remercie de jouer encore avec moi dans la cour de récréation que tu fais de ma vie.
Et je veux jouer encore. Et encore.
Avec toi.